SÉCURITÉ, PROTECTION, ÉQUITÉ une devise monnayable au profit d’avancées syndicales !

Au moment d’écrire ces lignes, soit le 24 avril 2025, le conseil de direction de la Fraternité des constables du contrôle routier du Québec évalue une entente de principe conclue avec le gouvernement visant le renouvellement de la convention collective de ses membres.
Avant d’envisager avec optimisme une nouvelle période de stabilité et l’annonce de meilleures conditions de travail pour un rouage essentiel de notre sécurité routière, nous trouvions le moment des plus opportuns pour nous poser, quelques instants, et jeter un dernier regard vers l’arrière afin d’analyser les impacts et les implications déontologiques des potentiels « moyens de pression » qui auraient pu être déployés par certains contrôleurs routiers.
L’un d'eux a particulièrement retenu notre attention, soit l’interception ainsi que l’inspection massive et systématique de certains grands transporteurs, le 25 février 2025, comme le relate un article du Journal de Montréal .
Par pure curiosité intellectuelle et sans nous prononcer sur la véracité des faits mentionnés à ce dernier article, nous posons à la fois l’hypothèse et la question suivante : l’interception ainsi que l’inspection ciblée et systématique des véhicules lourds exploités par certains grands transporteurs à titre de moyens de pression dans le cadre de négociations syndicales sont-elles contraires au Code de déontologie des policiers du Québec ? Oui.
Statistiques sur les camions autonomes et le convoyage en convoi :
Nous croyons que les trois reproches suivants pourraient être adressés à un contrôleur routier prenant sciemment part à une action concertée de ce type, à savoir :
- Le contrôleur routier a abusé de son autorité en interceptant et inspectant systématiquement certains véhicules lourds pour des considérations extérieures au Code de la sécurité routière, commettant ainsi un acte dérogatoire prévu à l’article 6 du Code de déontologie des policiers du Québec;
- Le contrôleur routier n’a pas respecté l’autorité de la loi en détenant illégalement les conducteurs de véhicules lourds de certains grands transporteurs, commettant ainsi un acte dérogatoire prévu à l’article 7 du Code de déontologie des policiers du Québec;
- Le contrôleur routier ne s’est pas comporté avec désintéressement et impartialité, en interceptant et inspectant spécifiquement et systématiquement les véhicules lourds de certains grands transporteurs afin d’obtenir quelques potentielles avancées syndicales et ainsi ultimement servir ses fins personnelles et non celles de la justice, commettant ainsi un acte dérogatoire prévu à l’article 5 du Code de déontologie des policiers du Québec.
Pour être légale et en adéquation avec la Charte canadienne des droits et libertés, l’exercice du pouvoir discrétionnaire d’interception et d’inspection dont dispose un contrôleur routier, notamment en vertu de l’article 519.70 du Code de la sécurité routière, doit reposer sur un objectif prévu à ce dernier. Dans le cas contraire, la détention arbitraire des conducteurs de véhicules lourds est illégale et viole leur droit prévu à l’article 9 de la Charte canadienne des droits et libertés.
En l’espèce, l’interception ainsi que l’inspection ciblée et systématique des véhicules lourds de certains grands transporteurs ne poursuivraient aucun des objectifs prévus par le Code de la sécurité routière et ne viseraient qu’à porter atteinte au bon déroulement de leurs opérations, et ce, à titre de « moyen de pression ». Corollairement, la détention arbitraire des conducteurs de véhicules lourds impliqués qui s’ensuivrait serait illégale et violerait ainsi leur droit prévu à l’article 9 de la Charte canadienne des droits et libertés.
En plus d’être illégal, cet acte du contrôleur routier serait abusif au sens du Code de déontologie des policiers du Québec puisqu’il aurait été porté avec « malice et mauvaise foi »3 afin de sciemment, et dans le cadre d’une action concertée visant l’avancement de revendications syndicales, porter directement atteinte au bon déroulement des opérations de certains transporteurs.
Heureusement, au sein de l’article du Journal de Montréal cité ci-haut, le président de la Fraternité des constables du contrôle routier du Québec nous rassure, et confirme que notre hypothèse n’est qu’un cas théorique en précisant : « il n’y a pas d’escalade, il n’y a pas vraiment de moyens de pression. »
Espérons simplement que l’avenir lui donne raison afin que notre hypothèse reste ce qu’elle est : un cas théorique. À défaut, certains administrés pourront nourrir l’idée que la Sainte-Trinité des valeurs dont se drape les contrôleurs routiers — SÉCURITÉ, PROTECTION, ÉQUITÉ — ne porte que trop bien son nom de « devise » puisqu’elle semblera alors, et en pratique, monnayable pour l’avancement syndical de ceux qui la porte au bras.
En guise de conclusion, référons le lecteur à ce dernier extrait du site de la Société de l’assurance automobile du Québec présentant Contrôle routier Québec et qui se termine comme suit : « De fait, si vous pensez avoir été lésé dans vos droits ou avoir été traité incorrectement ou injustement, vous pouvez déposer une plainte devant le Commissaire à la déontologie policière. »