L'Écho du transport

Tremcar, Manac et Simard Suspensions se préparent aux tarifs du Président Trump

Tremcar, Manac et Simard Suspensions se préparent aux tarifs du Président Trump

Depuis son assermentation le 20 janvier 2025, le nouveau président des États-Unis Donald Trump a donné à son second mandat un départ canon. En annonçant que le gouvernement américain allait imposer, à compter du 12 mars 2025, des tarifs de 25 % sur les exportations canadiennes d’aluminium, d’acier et de bois vers les États-Unis, toute l’économie canadienne s’inquiète des conséquences. Ce faisant, Donald Trump dénigre le Canada, pourtant son meilleur allié et partenaire commercial.

Dans le but d’évaluer comment cette inquiétude était ressentie dans l’industrie du transport de marchandises au Québec et au Canada, Transport Magazine a communiqué avec trois manufacturiers chefs de file au pays. Il faut comprendre que les échanges avec les interlocuteurs ayant participé à ce texte se sont tenus au mois de février 2025, donc avant que les tarifs douaniers entrent en vigueur ou soient simplement envoyés aux calendes grecques.

Tremcar

Tremcar a son siège social à Saint-Jean-sur-Richelieu, en plus d'une usine à Saint-Césaire et une autre à Strasburg en Ohio ainsi que des points de service à Saskatoon, Saskatchewan; London, Ontario; Edmonton, Alberta, en plus d’une usine d’assemblage à Haverhill, Massachusetts. Le manufacturier spécialiste des remorques citerne Tremcar est profondément ancré dans l’écosystème économique nord-américain. Cela ne l’empêche toutefois pas de craindre de voir des tarifs de 25 % imposés sur l’acier et l’aluminium canadiens exportés aux États-Unis.

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Mélanie Dufresne, directrice de la planification stratégique de Tremcar

« Des tarifs de 25 % feront mal à toute l’industrie. Nous utilisons de l’aluminium canadien extrudé aux États-Unis dans plusieurs de nos citernes. La capacité pour les américains de fabriquer de l’aluminium est limitée par le fait que produire des lingots d’aluminium requiert beaucoup d’énergie que nous avons ici à un prix beaucoup moindre qu’elle coûte aux USA. », déclare Mélanie Dufresne, directrice de la planification stratégique de Tremcar. Lorsque ce magazine a rejoint madame Dufresne pour ce reportage, elle était en Indiana à un salon sur l’environnement. « Nos amis américains ne comprennent pas pourquoi le Président Trump veut imposer des tarifs et croient qu’il n’ira pas de l’avant. On ressent un certain malaise lorsque des intervenants nous approchent sachant que nous sommes une entreprise canadienne avec une usine en Ohio et un centre d’assemblage au Massachusetts. »

Pour les commandes en cours, Tremcar maintiendra ses prix, pour les commandes reçues après l’entrée en vigueur des tarifs douaniers, rien n’a encore été décidé. C’est un peu une histoire qui se répète alors que des tarifs similaires avaient été imposés par le Président Trump lors de son premier mandat.

« Il faut que le Canada riposte mais il faut s’assurer que les contre-tarifs soient réfléchis pour ne pas impacter l’industrie ici déjà assez affaiblie. Il faut faire en sorte que la riposte n’entrave pas les chaînes d’approvisionnement ici. », croit madame Dufresne. Parmi les pistes de réflexion sur la table à dessin de Tremcar, il y a la possibilité de fabriquer aux Canada les remorques pour les clients ici et de répondre aux commandes des clients au sud de la frontière en construisant les citernes dans les installations états-uniennes. Il s’agit ici d’une idée parmi tant d’autres. « Ces tarifs pourraient aussi être une tactique de Donald Trump pour ramener le Canada à la table de négociations. »

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Le siège social de Tremcar à Saint Jean-sur-Richelieu

Manac

Plus important fabricant de semi-remorques sur mesure et spécialisées en Amérique du Nord, la beauceronne Manac fabrique moins de 15 % de tous ses produits dans ses usines canadiennes de Saint-Georges, Laurier-Station et Val-des-Sources au Québec ainsi que Penticton, en Colombie Britannique alors que la majorité de sa production émane de son usine d’Oran, au Missouri. Les usines canadiennes utilisent de l’acier fait au pays alors que l’usine au Missouri achète de l’acier américain. « Pour l’aluminium, c’est un peu plus compliqué alors que nous achetons des pièces extrudées aux États-Unis à partir d’aluminium du Canada. Nous attendons de voir si les tarifs annoncés deviendront réalité avant de dévoiler notre jeu. », explique Charles Dutil, président de Manac.

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Charles Dutil, président de Manac

Attendre des voir si les tarifs viendront impacter ses activités n’empêche pas Charles Dutil de se faire une tête sur le type de riposte que le Canada devrait envisager : « Je suis en faveur de l’imposition de sanctions réciproques mais je ne suis pas assez naïf pour pour penser qu’œil pour œil soit la meilleure solution. Je préférerais taxer les produits finis américains qui entrent au Canada. Tarifer la machinerie et des produits à valeur ajoutée que les manufacturiers états-uniens exportent chez nous. Il est certain que si le Président Trump concrétise sa promesse, ça aura un impact sur l’économie, occasionnant un ralentissement des deux côtés de la frontière. Il faut réaliser que nous ne sommes pas équipés pour nous battre contre les États-Unis. »

« Trump est rusé car il sait qu’il obtient des gains simplement en menaçant ses adversaires comme ses amis. Il veut obtenir des concessions de ses partenaires canadiens et mexicains. », poursuit monsieur Dutil. Pour ses activités d’Oran, Manac craint des effets de la politique d’expulsion des immigrants illégaux du présent gouvernement des États-Unis. « À court terme on s’ajustera, mais de longue haleine le risque le plus important sera une rareté de la main-d’œuvre. Avec les tarifs, le domaine du transport souffrira et cela ne va qu’empirer la situation dans une industrie roulant déjà au ralenti. »

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L’usine de Manac à Saint-Georges

Simard Suspensions

Simard Suspensions a vu le jour comme forge à Baie-Saint-Paul en 1935, avant de réorienter ses activités près de 50 ans plus tard. Aujourd’hui l’entreprise est un chef de file dans la fabrication de systèmes de suspension et de direction pour les camions lourds. En plus de son siège social de Baie-Saint-Paul, Simard Suspensions possède des bureaux à Lavaltrie et à Norfolk en Virginie, avec ses trois installations et plus de 200 employés. Le manufacturier dessert un territoire s’étendant de l’Alaska au Chili et de Vancouver à Terre-Neuve alors qu’il accompagne les grands fabricants de camions lourds partout où ils vendent leurs véhicules.

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David Tremblay, président de Simard Suspensions

« Nous sommes un bon exportateur pour qui le marché américain est très important. Nous installons des systèmes que nous concevons sur des camions lourds fabriqués aux États-Unis et au Mexique. », affirme David Tremblay, président de Simard Suspensions. « Nous sommes actifs dans ce qui est communément reconnu comme l’industrie de l’automobile nord-américaine, une toile d’araignée installée d’un côté à l’autre de la frontière. Nos produits sont fabriqués à partir d’intrants provenant des États-Unis souvent faits avec de l’acier canadien qui font de nombreux allers-retours entre les deux pays.»

« Nous devons jouer au ping-pong en attendant les tarifs, s’il y en a. Nous avons décidé de prendre une attitude d’attente jusqu’à ce que les tarifs entrent en vigueur ou soient envoyés aux oubliettes. Nous tentons de garder un maximum de cartes dans notre jeu afin de se donner le meilleur scénario pour être le moins affectés possible par les tarifs douaniers. », de conclure David Tremblay.

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L’usine de Simard Suspensions de Baie-Saint-Paul

Secteurs industriels ciblés en premier

Au mois de février, lorsqu’il a annoncé une première série de tarifs douaniers à imposer sur des produits canadiens exportés aux États-Unis, le Président Donald Trump a ciblé trois secteurs particuliers :

L'aluminium

Plus de 5 millions de tonnes d’aluminium, dont plus de 2,9 millions proviennent du Canada, sont nécessaires annuellement. Avec 11 alumineries au Canada dont 10 au Québec, l’industrie canadienne de l’aluminium trouve que les tarifs douaniers de 25 % sont totalement injustes et perturbateurs.L’Association de l’aluminium du Canada (AAC) croit qu’un tarif de 25 % sur l’aluminium canadien destiné aux États-Unis ne fera que nuire aux emplois et aux industries américaines, notamment dans les secteurs de la défense, de l'automobile, de la construction et du logement. Selon le président et chef de la direction de l’AAC, Jean Simard : « À une époque où l'on veut maintenir le prix des biens de consommation courante à un bas niveau, un tarif douanier ne fera qu'augmenter les prix au détriment du portefeuille des Américains. Nos 9500 travailleurs canadiens produisent de l’aluminium qui est traité, transformé et fabriqué sous forme de pièces, de composantes et de produits d’usage courant par 700 000 travailleurs bien rémunérés du secteur manufacturier américain, générant plus de 228 milliards de dollars de production économique rien que pour l’économie américaine. »

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Des tiges d’aluminium

Le bois

L’industrie du bois est déjà entrée dans un nouveau cycle de tarifs de 14.45 % au mois d’août dernier et une seconde tranche est prévue de s’ajouter en septembre prochain. Ce nouveau tarif de 25 % escompté pour le 12 mars exaspère l’industrie. Les tarifs déjà prévus représentent une cinquième ronde de tarifs imposés au bois canadien vendu aux États-Unis au cours des dernières années. Et chaque fois que les Américains s’attaquent au bois, le gouvernement canadien remporte toujours sa contestation devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC). « Le Québec exporte 87 % de sa production de bois aux États-Unis et dans une région comme le Bas-Saint-Laurent, c’est le seul secteur industriel réalisant des activités d’envergure. », selon Stéphane Forest, directeur général du Syndicat des producteurs forestiers du Bas-Saint-Laurent (SPFBSL). Pour Jean-François Samray, directeur général du Conseil de l’industrie forestière du Québec, le tout se fera aux dépens des consommateurs états-uniens : « Nous vivons comme une industrie offrant des produits de qualité très appréciés aux États-Unis. Nos consultants américains disent qu’il n’y a pas de meilleur bois de charpente que nos produits résineux de la forêt boréale. Pour les consommateurs américains, qui continueront à acheter nos produits car ils en ont besoin, il s’agit d’une hausse de prix engendrée par des politiques de leur nouveau gouvernement. »

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Du bois canadien

L'acier

L’acier génère des échanges commerciaux de 20 milliards de dollars et 40 % des importations d’acier du Canada viennent des États-Unis. « Les nouveaux tarifs sont incompréhensibles au moment où le Canada a travaillé d'arrache-pied pour harmoniser sa politique commerciale avec celle des États-Unis afin de protéger les deux marchés. », affirme Catherine Cobden, présidente et cheffe de la direction de l'Association canadienne des producteurs d'acier (ACPA). « Nous exhortons de toute urgence le gouvernement du Canada à agir de nouveau avec détermination pour lutter contre cette menace et à faire en sorte que toute mesure prise contre notre secteur donne lieu à des mesures de rétorsion visant à contrebalancer les effets dévastateurs que les tarifs douaniers auraient sur notre secteur et nos travailleurs. »

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Production d'Acier

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